De Google Books, ou, Du fantasme de la conservation et de l?acc?s num?riques au savoir, ? tout le savoir, ou enfin, De la sup?riorit? de l?homme sur la machine

? gauche, S?bastien ?rard. (Source?: Gallica).
? droite, mon premier professeur de piano.

Mon ?rard ? un piano droit ? allant f?ter ses 150 ans en juin de l?ann?e prochaine, je me suis mis en recherche d?informations g?n?a?logiques ? son sujet.

Tout d?abord, il suffit de regarder la tranche droite de la touche la plus basse ? bon, il faut pour cela d?monter un peu le clavier ? pour apercevoir une mention ?crite au crayon ??Martin mai 1864?? (le dernier mot est ind?chiffrable, comme on peut le voir ci-dessous)?: il s?agit du technicien qui a construit ce clavier, ce qui donne d?j? une assez bonne id?e de la date de naissance du piano.

Ensuite, le num?ro de s?rie du piano est clairement affich? sur le coin sup?rieur droit de la table d?harmonie (en parfait ?tat, soit dit en passant)?:

Et c?est l? qu?on passe ? l?internet?: la Cit? de la musique a r?cemment mis en ligne la num?risation compl?te du fonds d?archives ?rard (ainsi que Pleyel et Gaveau) ? registres d?atelier et registres des ventes. Malheureusement, aucun outil de recherche n?est disponible, il faut feuilleter. Heureusement, l?indication de l?ann?e sur la touche permet de r?duire le champ, et l?on trouve finalement la page du registre d?atelier qui indique qu?il en est sorti en juin 1864 ? ce qui m?a permis de d?terminer approximativement la date de son 150^e anniversaire ? et a ?t? livr? ? son premier acqu?reur, un certain M. Leroux ? Boulogne.

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Quant au registre des ventes, il indique que ce piano oblique (il s?agit de l?inclinaison des cordes) a ?t? vendu pour 2000 Frs. avec une remise de 30?% et 30?Frs. d?emballage ? un ??M^r Leroux (Professeur) ? Boulogne pour M^r Mortreux (faub^g S^t Maurice) ? Amiens???:

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On trouve des Mortreux ? Amiens depuis au moins le XVI^e si?cle jusqu?a nos jours. Je ne sais combien de temps le piano est rest? entre (ou sous) leurs mains, mais nous le tenons depuis plus d?une soixan?taine d?ann?e des Delacour (dont j?ai parl? ailleurs), n?s dans les ann?es 1870. On peut imaginer qu?il ne soit pass? que par trois propri?taires depuis sa naissance.

Mais au-del? du piano lui-m?me, comment ne pas s?int?resser ? la marque?? Wikipedia?? Vous voulez rire?: l?encyclop?die universelle est fort peu prolixe sur la c?l?bre marque autant que sur son g?nial fondateur. Cherchons ailleurs.

Voici ce qu??crit ? son propos un article du Guide musical de 1862 ? p?riodique sous-titr? Revue hebdomadaire des nouvelles musicales de la Belgique et de l??tranger ?, qu?on a trouv? dans Google Books?:

Continuellement occup? d?inventions et de perfectionnements, le g?nie d??rard s?exer?ait sur une multitude, d?objets. Ce fut ainsi qu?il imagina le piano organis? avec deux claviers, l?un pour le piano, l?autre pour l?orgue. Le succ?s de cet instrument fut prodigieux dans la haute soci?t?. Il lui en fut command? pour la reine Marie-Antoinette, et ce fut pour ce piano qu?il inventa plusieurs choses d?un haut int?r?t, surtout ? l??poque o? elles furent faites, La voix de la reine avait peu d??tendue, et tous les morceaux lui semblaient ?crits trop haut. Erard imagina de rendre mobile le clavier de son instrument, au moyen d?une clef qui le faisait monter ou descendre ? volont? d?un demi-ton, d?un ton, ou d?un ton et demi. De cette mani?re la transformation s?op?rait sans travail de la part de l?accompagnateur.

??Surtout ? l??poque o? elles furent faites???: c??tait un novateur. Quelques ann?es plus tard, nous raconte Fran?ois-Joseph F?tis en 1834, un facteur de Darmstadt (lieu qui devait susciter l?innovation musicale, alors comme plus r?cemment?), Jean V?ller, inventera l?apollonion, un piano ? deux claviers avec plusieurs jeux d?orgue ? been there seen that, du moins en ce qui concerne les deux claviers et la partie orgue ?, et surmont? (il faut bien innover) d?un automate qui jouait divers concertos de fl?te. En 1794, ce sont les pianos ? forme demi-ovale d??lias Schlegel (on se demande s?ils ont inspir? les claviers du plus grand orgue du monde). Puis l?on verra en 1820 un piano transpositeur (Roller) ? nihil novi sub sole, c?est ce que faisait le piano ?rard de Marie-Antoinette ?, en 1825 un piano vertical ? deux claviers oppos?s l?un ? l?autre, et qui permettait ? deux personnes plac?es l?une en face de l?autre de se voir ? travers les cordes des deux tables d?harmonies, mais il avait, para?t-il, un mauvais son qui l?emp?chait ??de produire aucun effet dans le monde musical malgr? sa commodit? pour jouer des duos de piano??. (C. Montal, L?art d?accorder soi-m?me son piano, 1836). Et ainsi de suite.

Mais revenons ? ?rard, ou plut?t au Guide musical de 1862 o? l?on a trouv? le passage ci-dessus?: les volumes 8-10 de cette revue hebdomadaire ont ?t? num?ris?s en un seul fichier disponible en ligne dans Google Books. Or, s?il est effectivement fort utile de pouvoir tomber sur de tels passages, il est particuli?rement frustrant, voire rageant, de ne pouvoir acc?der ? l?ensemble du texte, non pas du fait de droits d?auteur qui auraient emp?ch? sa mise en ligne in extenso, mais du fait d?une num?risation lacunaire, qui a tronqu? l?article dans le num?ro en question en omettant la, ou les pages qui pr?c?dent celles o? se trouve ce passage, ce qui est d?ailleurs le cas de bien d?autres pages dans ce volume (ce que l?on peut constater par le fait que le texte, d?une page ? l?autre, ne correspond pas).

Pire, dans le num?ro dat? du 15 janvier 1863 on trouve une Notice sur les travaux de MM. ?rard ? Paris et ? Londres, qui, indique la note de bas de page, est la suite d?un article publi? dans les deux num?ros pr?c?dents, ceux du 1^eret 8 janvier? absents enti?rement de ce volume num?ris?. Il se peut ?videmment qu?ils aient d?j? ?t? omis du volume physique ici num?ris?, mais il semble bien que les manques ? l?int?rieur de chaque num?ro soient dus ? une num?risation incapable de prendre en compte des pages de formats diff?rents. C?est ce que l?on constate d?ailleurs dans tous les ouvrages que j?ai pu jusqu?ici consulter dans Google Books et qui comportent de telles pages. Voici par exemple ce qui reste de deux des planches se trouvant en fin de l?ouvrage de Montal cit? plus haut et que l?on a juxtapos?es ici?:

Deux pages de la num?risation par Google de
L?art d?accorder soi-m?me son piano, de C. Montal.
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C?est un massacre, et ce n?est pas le seul. Si c?est ce qui restera du patrimoine culturel pour les g?n?rations ? venir, ou, comme Google pr?f?re le formuler, ??the world?s [all of it] information [all of it] so it will be univer?sally [to everyone] accessible [via all ?devices?] and useful???.

En ce qui concerne les articles du Guide musical, tout n?est pas perdu?: heureusement que Google a indiqu? que l?ouvrage original ? ??papier?? ? provient de l?Universit? du Michigan. Sit?t un email envoy? au d?partement de la musique de sa biblioth?que, sit?t la r?ponse re?ue?: ??Nous constatons le m?me probl?me dans notre exemplaire num?ris?. J?ai demand? qu?on sorte l?ouvrage des r?serves et je vous dirai ce qu?il en est.??

Comme quoi, il faut toujours se tourner vers les gens et revenir aux sources mat?rielles? Et c?est ? cela, entre autres, que ??servent?? biblioth?ques et biblioth?caires.

Source: http://blog.le-miklos.eu/?p=7595

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